L'entretien du mois : Gérard, SDF à Monaco

Ce mois-ci, le Fait d’Hiver vous propose une rencontre exclusive avec Gérard, sans domicile fixe jovial, rieur et bon vivant depuis 10 ans. Résident actuellement dans les rues de Monaco, Gégé (comme il aime à se faire appeler) a accepté de répondre à quelques-unes de nos brillantes et pertinentes questions. Interview.

Le Fait d’Hiver : Bonjour Gérard. Alors, ça ne se voit pas au premier abord mais vous êtes un SDF, c'est ça ?

Gérard : Salut les gars ! Et oui hahaha !

LFH : Mais, vous êtes ivre ?

Gégé : Complètement haha ! Mais de bonheur et de joie !

LFH : Expliquez-nous ça. Un sans-logis heureux sans avoir bu, ça traine pas à tous les coins de rue…

Gégé : C’est vrai, héhé ! En fait, j’ai pas toujours été comme ça pour être franc. Au début de ma carrière de mendiant, quand j’avais 17 ans, c’était un peu galère. Je vivais au Havre, j’étais sale et moche... comme la ville en fait !

LFH : En effet, ça devait pas être joli.

Gégé : Héhé ! Et comme tous les habitants de cette… ville, j’étais malheureux. Alors au bout d’un moment, j’en ai eu plein le fion de cette vie de crotte et j’ai décidé de migrer. Un pote à moi m’avait parlé de la Méditerranée, les olives, les oranges, le pastis, les petites fusillades entre amis, tout ça. Alors j’ai pris le train pour Marseille, mais comme je me suis pas réveillé je suis arrivé à Monaco. C’est comme ça que ça s’est passé.

LFH : La première chose qui frappe quand on vous regarde, c’est les vêtements et l’odeur : vous êtes propre et bien habillé. Comment se fais-ce ?

Gégé : Vous avez dit le mot « fesse » !! Hahahaha !!! Hé ! C’est pas commun, hein ?! Héhé... non ?

LFH : Non.

Gégé : Hum. En fait, c’est pour m’adapter à la ville. Quand j’ai posé mon caddie à Monaco, je m’attendais pas à être reçu de la sorte : les gens me jetaient des cailloux en me voyant, certains me faisaient pipi dessus et d’autres chiaient dans mes sandales… Tant de chaleur humaine, je comprenais pas. Un jour, quelqu’un m’a lancé un savon de Marseille, et c’est là que ça a fait « tilt ! » dans ma tête : à Monaco, faut être beau et sentir bon. Alors j’ai dépensé mes dernières économies dans du savon et un costard, et depuis ma vie a changé ! (grand sourire et petits pouffements de rire)

« Monaco, c’est le paradis des clochards »

LFH : Du coup, vous êtes un clochard propre.

Gégé : Exactement ! (il se marre) Et depuis que je suis propre, les gens me donnent de l’argent et plus des excréments. La vie est chère ici en comparaison avec d’autres villes, mais les gens donnent beaucoup, beaucoup plus. Par exemple, quand au Havre je récoltais 2 euros, une clope mouillée et 3 frites Mac Do périmées en une heure, à Monaco je reçois 60 euros, une cartouche de Marlboro et un menu Maxi Best Of Big Mac avec le Deluxe en prime, s’il vous plait monsieur ! (il se marre encore et commence à nous les briser) En plus de ça je mendie habillé en costard, au soleil et au bord de la plage. J’ai remplacé la 8.6 par des Mojitos et du champagne, l’hiver il fait bon, pas besoin de te faire loger par les services sociaux, d’ailleurs y’en a pas. Monaco, c’est le paradis des clochards, man.

LFH : Y a-t-il d’autres personnes dans votre cas ?

Gégé : Nan, je suis le seul. Tous les SDF qui sont passés avant moi sont vite partis, dès le premier crachat reçu sur la tronche (rires) ! Ils ont pas su s’adapter en fait, les cons !! (Il se fend le genou en se tapant la poire)

LFH : Vous rigolez toujours comme ça ?

Gégé : Tout le temps.

LFH : Hum.

Gégé : Baquoi ?

LFH : Comment voyez-vous votre avenir, Gérard ? Envisagez-vous de sortir de votre condition de clodo ?

Gégé : Absolument pas. Etre mendiant à Monaco, c’est le panard ! (rires…) Je fous rien, je gagne plein de pognon et j’ai des filles toutes les nuits qui viennent boire l’apéro chez moi, dans mon carton ! (il se marre comme une clé à molette)

LFH : Hhhhuuummmmmmfffffff…

Gégé : Pardon ?

LFH : Continuez…

Gégé : Oui, donc je vois pas pourquoi je devrais changer de vie. Et puis si j’achète une maison ou un truc du genre, faudra que je l’entretienne, et j’ai pas envie. J’ai pas vécu toute ma vie dans la rue pour finir à passer le balai parce-que le sol serait pas assez propre ! HAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !!!! Hum ?! Mais qu’est-ce que vous faites ?! Mais arrêtez !! Ça me fait mal ! AAAAAARRRRGGGHHHHHHH…. !!!!

Propos recueillis par La Rédaction.