Sous les pavés, la neige ?

Même Noël connait la crise ! Hier après-midi, des milliers de Pères Noël ont manifesté dans les rues de la capitale groenlandaise, Nuuk (prononcez Njut !). 200 selon la police, ils étaient 200 000 selon la Confédération Générale des Pères Noël (CGPN) et un seul selon les enfants. Leurs revendications ? « On en a plein dans notre hotte » ironise Bernie, Père Noël de père en fils. Parmi les plus classiques, on retiendra l’augmentation des salaires, la non-suppression des filières « Lutins » dans les facultés groenlandaises, le renouvellement systématique des départs à la retraite et le retour de Roselyne Bachelot au Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports.

Outre ces souhaits que tout un chacun peut légitimement avoir, la CGPN se bat pour des valeurs plus générales : ils dénoncent une société qui a perdu l’esprit initial de Noël et prônent un retour aux valeurs fondamentales du patriarcat, de l’autorité et de la pêche à la ligne.

Lors de la marche dans les rues de Nuuk, nous sommes allés à la rencontre du cortège de « Pères, Noël et Traditions », une association de défense de l’esprit ancestrale de la Nativité. « Nous, on se bat contre le travail dominical des Pères Noël, par respect envers le Petit Jésus mais aussi et surtout par flemme, nous raconte Bernie, président de l'association. Aujourd’hui même les petits Chinois demandent des cadeaux, alors qu’avant on se servait d’eux pour les fabriquer… Imaginez le boulot en plus ! Alors si on nous rajoute un jour en plus de travail par semaine, nous on s’en sort plus. » Parmi d’autres revendications, on retiendra le remboursement intégral des greffes de rennes, la réorganisation de l’espace aérien après plusieurs collisions entre traineaux et avions de lignes et la demande par certains de 13 ou 14 Nissan par an.

Vers 13h, lors du rassemblement devant le Parlement groenlandais, nous avons bu quelques verres avec les Pères Fêtards, et nous sommes repartis joyeux. Poils aux yeux.

Tous les Pères Noël s’appellent Bernie

Ceci étant précisé, continuons. La manifestation s’est déroulée de manière pacifique et linéaire : aucun incident n’est à déclarer. Pour tout vous dire, on s’est un peu fait chier et le slogan « Traineau, boulot, dodo », repris par plusieurs manifestants tout au long de la journée résume bien cette marche. Parmi les participants, une proportion incroyablement élevée de vieux est à souligner et ceci explique peut-être cela. En effet, depuis une vingtaine d’années, les enfants Papas Noël sont de moins en moins nombreux à vouloir reprendre le flambeau de leurs aïeux, car les perspectives d’emplois sont de moins en moins évidentes. L’entreprise Saint Nicolas & Fils, petite PME implantée dans le Benelux, est menacée de fermeture. Depuis le sponsoring de Caca-Cola, leurs représentants sont passés du vert au rouge, état de fait dénoncé par la majorité des Saint-Nicolas qui voient dans ce changement de couleur la raison de tous leurs malheurs : « Notre combat, c’est le retour à la couleur verte. Cette grande époque où tout un peuple se levait pour l’ange vert et les poteaux carrés ! »

Des Saint-Nicolas hors-jeu, des Pères Noëls en situations précaires... Tout est réuni pour que la situation devienne explosive. Dans les rues de Nuuk, on ne parvient plus à dénombrer les Papas Noël SDF ou punks à chien.

Malgré le caractère pépère de cette manifestation, nous sommes en droit de nous demander si les graines d’une colère révolutionnaire sont en train de germer sous les pavés enneigés de Nuuk. Un groupuscule de Bernie, croisé dans la pénombre d'un troquet miteux, nous ont promis de drôles de surprises aux pieds de nos sapins un soir de décembre 2014. Encore faudrait-il que ces vieux débris survivent à la canicule estivale annoncée... Rien n’est moins sûr.